Galerie d’art, les clés de la réussite

A tous les passionnés qui souhaitent se lancer, Camille Janssens, auteur de Créer une galerie d’art paru aux éditions Ars vivens, livre quelques clés de réussite… et les pièges à éviter.
Créer une galerie d’art, bonne idée ou galère ?
C. J. : Sans hésiter, une très bonne idée ! Plus un véritable choix de vie. Décider de s’installer comme galeriste implique un engagement personnel important. Une galerie d’art propose une subtile interface entre les acheteurs, collectionneurs d’art et les artistes et leur entourage. Elle est au service de tous sans négliger son compte de résultats. Car c’est une entreprise. Ne le passons pas sous silence. Lancer et développer une galerie d’art signifie trouver un équilibre gagnant entre ces exigences parfois contradictoires. Pour réussir, il faut vraiment connaître et aimer l’art, estimer ceux qui l’achètent, apprécier les artistes qui le créent et savoir aussi compter. Sous ces conditions, le succès est beaucoup plus assuré qu’il n’y parait. Et si on peut faire fortune en vendant de l’art, on peut également très bien gagner sa vie. Une galerie d’art réalise en moyenne entre 400 et 700 000 € de chiffre d’affaires et plus de 10 % d’entre elles font plus d’un million d’euros de ventes. Certes les frais peuvent être importants mais les bénéfices loin d’être inexistants. C’est aux galeristes de trouver leur modus vivendi. En effet, le secteur de l’art et de la culture est toujours porteur. Le marché de l’art reste bien orienté, il s’est ouvert et régulé, la créativité des artistes apparaît toujours foisonnante. Le secteur est loin d’être sinistré. La preuve en est que le nombre de créations de galeries se maintient. Il pourrait s’accroître sans problème. La France a deux fois moins de galeries d’art par habitant que l’Allemagne ou la Belgique et une fois et demi moins que l’Italie ou le Royaume-Uni. C’est dire qu’il existe sans doute des opportunités. Le tout est de trouver son marché. Les possibilités sont très nombreuses avec les nouvelles formes d’art, les moyens extraordinaires qu’offrent l’Internet et les réseaux sociaux, la mobilité accrue des artistes et des amateurs d’art. Si l’activité est bien réfléchie, conduite très professionnellement et soutenue par un sérieux engagement, aucune galère ne sera au programme.
Quel est l’importance du positionnement de la galerie d’art ?
C.J. : Il s’agit là d’un point clé du projet de création d’une galerie d’art. Le positionnement définit une promesse. Que va offrir la galerie d’art ? Quel type d’art va-t-elle proposer ? Quel style de relations va-t-elle engager avec des artistes ? Quel programme attirera des clients, des collectionneurs ? Sans réponse claire et sûre à ces questions, une galerie d’art ne peut espérer réussir. Une personne qui lance une galerie d’art a un but : faire connaître telle forme d’art, tels artistes; attirer de nouveaux passionnés d’art; construire telle relation avec des créateurs…etc. Le positionnement dépend de l’engagement du galeriste, de ses goûts, de son ambition. Par exemple, le galeriste peut avoir pour but de travailler avec des jeunes artistes inconnus pour les promouvoir. Elle peut s’orienter vers l’accrochage d’artistes déjà connus, de valeurs sûres qui ont des collectionneurs, une reconnaissance critique. Dans ces deux cas, l’approche, l’investissement, le programme ne seront pas du tout les mêmes. Le positionnement définit aussi des implications géographiques, les lieux, les quartiers, les villes doivent être choisis en conséquence. Avec des coûts très variables selon les options. Aussi la définition d’un positionnement constitue-t-elle le point de départ stratégique de la galerie d’art, son ancrage dans le paysage de l’art et de son marché. D’où découleront toutes les promesses qui devront être tenues et qui garantiront le succès.
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes à ne pas commettre ?
C.J. : Il n’y a pas beaucoup d’erreurs fatales. L’art est bon prince et les artistes, les amateurs d’art sont des passionnés, des enthousiastes, prompts à s’enflammer, à adorer, à critiquer, à réviser leurs jugements. Une vraie grosse erreur d’un tel porteur de projet serait de ne pas exciter cet enthousiasme. De laisser le collectionneur indifférent et les artistes peu désireux de rejoindre sa galerie. Une autre erreur est bien sûr de ne pas présenter un positionnement clair, lisible dans le temps et surprenant dans l’instant. Enfin une dernière erreur courante mais dirimante, consiste à ne pas organiser une gestion ultra rigoureuse. Avec les artistes, pour les œuvres qu’ils accrochent, ou qu’ils créent si la production d’œuvres est envisagée, pour leurs décomptes et paiement des commissions. Avec les clients qui doivent savoir exactement comment travaille la galerie, ce que vous attendez d’eux, ce que vous leur proposez tant d’un point de vue artistique qu’économique. Des comptes clairs et rapides, des factures complètes (indiquant ce qui est vendu, œuvres, droits afférents, etc.), des contrats précis sont la base sans laquelle la galerie d’art sombre dans l’à peu près et s’engage dans des voies sans issue.
Dites-nous quel ticket d’entrée faut-il prévoir ?
C. J. : Les projets de création de galeries d’art sont si variables qu’il est difficile d’indiquer la valeur d’un ticket d’entrée. D’abord ce ticket est composé de plusieurs éléments. Une part financière évidemment, frais initiaux, loyers, engagements divers, besoin en fond de roulement. Une part artistique, constituée de l’écurie initiale d’artistes qui seront liés à la galerie. Ensuite le ticket dépend du positionnement choisi. Décider de représenter des artistes largement reconnus ne suppose absolument pas le même investissement financier ou social que de choisir d’exposer des artistes sortant des écoles ou des grafitistes de quartier. Enfin le ticket dépend de l’ampleur du projet, de ses buts, de sa taille initiale et surtout de la dimension future souhaitée. Cela implique des choix juridiques lourds (micro-entreprise, SARL, SAS) dont il faut peser les avantages et inconvénients (cf. Créer une galerie d’art, Camille Janssens, éditions Ars Vivens). De manière générale, une galerie d’art en ses débuts fait travailler le galeriste et un ou deux assistants ou secrétaire. Il faut donc prévoir de financer les loyers initiaux, les salaires, les frais de marketing qui sont proportionnellement les plus importants au début, les frais organisant les partenariats avec les artistes, les dépenses de réception et d’accrochage pour les vernissages.
Comment financer un projet de création de galerie d’art ?
C.J.: Même si le marché de l’art est relativement florissant, et ses perspectives plutôt meilleures que celles de bien d’autres secteurs, les banquiers éprouvent toujours quelques réticences face à des demandes de financement, de prêts pour lancer une galerie d’art. L’art reste très mal connu, affligé d’idées contradictoires et fausses. D’une part une image d’amateurisme, de manque de sérieux, un domaine où on perd son argent. D’autre part, un secteur flamboyant, où l’argent coule à flot, avec des prix astronomiques, et des plus-values sidérales mais incertaines. La vérité est bien sûr oubliée et le banquier fait la sourde oreille. Pourtant il aurait de l’argent à gagner. Aussi pour financer une galerie d’art de taille initiale moyenne mieux vaut se tourner vers les relations, la famille, le love money, le crowdfunding. Des systèmes d’aide existent mais avec la crise ils sont peu développés, réduisant les soutiens publics à des peaux de chagrin. Mieux vaut se tourner vers les financements collaboratifs, les levées de fonds sur les réseaux sont devenus bien plus faciles. Un bon projet, quelques idées claires et plaisantes, un positionnement attractif et des investisseurs et soutiens arrivent. L’avantage de ces modes de financement est qu’il oblige dès le départ à présenter un projet cohérent. De plus le succès (ou l’insuccès) du financement donne d’excellentes indications sur la viabilité de la future galerie d’art ou du moins sur la qualité de son positionnement. Mais plus qu’une affaire d’argent, la création d’une bonne galerie d’art est une question d’engagement personnel. On ne devient pas galeriste par total hasard. Une bonne connaissance de l’art, quelques relations dans le milieu des artistes et l’envie très forte de présenter un art qu’on a à cœur de défendre et promouvoir sont des atouts indispensable pour se lancer dans un projet qui peut être un vrai succès.

En savoir plus : Créer une galerie d’art (France) – Camille Janssens – ISBN 978 2 916613 369 – 5e édition 2015 – 160 p – Ars vivens éd. – Disponible en librairie, sur Amazon et le site de l’éditeur arsvivens.net – Une version adaptée et dédiée à la Belgique existe aussi (ISBN 978 2 916613 178), parue chez le même éditeur.