Art et photos illustrant des évènements familiaux

All-focusLes photos illustrant des évènements familiaux sont-elles des œuvres d’art ? La Cour de justice de l’Union européenne vient de désavouer la législation française qui exclut ces photographies du champ d’application du taux réduit de TVA (CJCE, C-145-18 du 5 septembre 2019). Celles-ci pourront accéder au statut d’œuvres d’art originales et être soumises à une TVA à 5,5%, lorsque cet arrêt sera confirmé par le Conseil d’Etat. Jusqu’alors, ne sont considérées comme des œuvres d’art, au sens fiscal, que les « photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus » (CGI, art. 98 A, II. 7°, annexe III). Une instruction de l’administration fiscale limite ce champ d’application aux seules « photographies qui portent témoignage d’une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur », et en exclut les photos d’identité, les photos scolaires ou de groupes ainsi que les photos illustrant des événements familiaux ou religieux, ces dernières étant ainsi soumises à un taux normal de TVA (BOI-TVA-LIQ-30-10-60).

La Cour se range aux conclusions de l’avocat général qui expliquait :« L’instruction […] tente d’établir une définition abstraite de la photographie d’art, en s’appuyant notamment sur les critères de l’intention créatrice manifeste de l’auteur et de l’intérêt pour tout public. Or ces critères sont fortement équivoques et subjectifs. […] Cette tentative, en transformant l’administration fiscale en critique d’art, porte nécessairement atteinte à la sécurité juridique, au principe de neutralité fiscale et à la concurrence. […] Les États membres ont le droit, sous réserve du respect de la sécurité juridique et de la neutralité fiscale, de n’appliquer le taux réduit qu’à certaines catégories d’objets […] définies de manière objective et non équivoque. En revanche, les États membres ne sont pas habilités à appliquer auxdits objets des exigences supplémentaires, fondées sur des critères vagues ou laissant une large marge d’appréciation aux autorités chargées de l’application des dispositions fiscales, tels que le caractère artistique d’un objet. » Elle affirme ainsi que seuls les critères objectifs tenant à la prise de vue et au tirage sur papier ou tout autre support matériel sont à prendre en considération pour qualifier d’œuvre d’art une photographie, à l’exclusion de toute autre exigence relative au « sujet requis ou exclu de la photographie, son niveau artistique, ou encore la qualité de son auteur ». Cet arrêt, rendu dans le cadre d’un renvoi préjudiciel du Conseil d’Etat, devra être confirmé par le Conseil d’Etat et la législation mise en conformité avec cette nouvelle jurisprudence européenne. Il se déduit de celle-ci que les photos, quels que soit leur sujet, doivent répondre aux critères imposés par la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, à savoir : avoir été prises par leur auteur, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, à l’exclusion de tout autre critère, en particulier l’appréciation, par l’administration fiscale nationale compétente, de leur caractère artistique. A ces conditions, elles peuvent être soumises à un taux réduit de TVA et leur auteur revendiquer le statut d’artiste auteur. Ce n’est que justice, lorsque le caractère artistique de ces clichés est patent.

En lire plus in Art et fiscalité, droit fiscal de l’art de Véronique Chambaud (Ars vivens éditions, 11e éd. 2019 – ISBN 978 2 916613 512). Disponible en librairie et sur le site arsvivens.net