Tout artiste qui expose au public ses créations a le droit d’être rémunéré, que celles-ci soient ou non proposées à la vente. En tant qu’auteur d’œuvres de l’esprit, il jouit sur celles-ci, du seul fait de leur création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. De ce droit d’auteur découlent plusieurs prérogatives : droit moral (droit au nom et au respect de l’œuvre) et droits patrimoniaux (droit de représentation et de reproduction). Le droit d’exposition se déduit de l’article L 122-2 du Code de la propriété intellectuelle relatif au droit de représentation. Il permet à l’auteur d’autoriser ou d’interdire la présentation au public d’une œuvre de l’esprit, catégorie juridique dont ressortissent les œuvres d’art originales.
Pendant longtemps, le droit d’exposition était ignoré, voire contesté. Puis les tribunaux ont affirmé son existence et son autonomie. Et il a été consacré par deux arrêts de la Cour de cassation du 6 novembre 2002. En l’espèce, il a été tranché que l’exposition au public d’une œuvre photographique en constituait une communication au sens de l’article L 122-2 du Code de la propriété intellectuelle. Et qu’une remise de clichés à des collectionneurs pour un usage privé ne valait pas autorisation de les communiquer au public dans le cadre d’une exposition. Tout organisateur d’exposition est tenu d’obtenir l’autorisation de l’artiste pour présenter ses œuvres, même si celui-ci n’est plus propriétaire du support matériel, et de respecter ses directives d’accrochage, sous peine de porter atteinte au droit de représentation et au respect de l’œuvre, donc au droit moral. C’est par un écrit, contrat de cession du droit de représentation, que va être réglée la question du droit d’exposition, en vertu de l’article L 131-2 du Code de la propriété intellectuelle, si elle n’a pas été abordée dans le contrat d’exposition lui-même, en prévoyant notamment les modalités matérielles et financières de cette cession. Rappelons que si l’artiste autorise la présentation publique de son travail, cela n’entraîne pas de facto l’autorisation pour l’exposant de le reproduire au sein d’un catalogue d’exposition, sur des affiches ou autres produits dérivés. Ces différents modes de reproduction doivent aussi faire l’objet d’une autorisation écrite, éventuellement d’une rémunération supplémentaire.
La cession du droit d’exposition est temporaire, non exclusive. Pour qu’elle soit valable, le contrat doit mentionner le droit cédé, le domaine d’exploitation des œuvres délimité quant à son étendue, à sa destination, quant au lieu et à la durée. En contrepartie, la loi prévoit une rémunération pour l’artiste. Cette rémunération doit être entendue distinctement de la prise en charge d’autres frais par l’organisateur de l’exposition, tels que les frais de transport, de publicité, l’assurance ou l’encadrement des œuvres. Comment la fixer ? Le montant du droit d’exposition peut varier en fonction du nombre de pièces exposées, leur taille, et de la durée de la manifestation, l’accès payant ou non. Il est librement négocié avec l’organisateur. Dans l’hypothèse où l’entrée de l’exposition est payante, la rémunération de l’artiste peut être constituée d’un pourcentage sur le prix payé par le public. Elle dépend généralement du nombre de visiteurs, du prix de l’entrée, de la durée de l’exposition, des frais engagés par l’organisateur. À défaut d’assiette de rémunération précise, le paiement d’une somme forfaitaire est envisageable. Mais s’agissant d’un droit patrimonial, l’artiste a tout aussi bien la faculté de renoncer à la rémunération de la cession de son droit d’exposition. Si rémunérer ce droit contribue, à sa mesure, à prémunir certains artistes face à des situations financières difficiles et à affirmer la reconnaissance du travail effectué et sa valeur intrinsèque, cela n’a pas que des effets vertueux. Nombre de petites structures associatives culturelles n’ont tout bonnement pas les moyens de le payer. Imaginons les conséquences d’une obligation de rémunération, comme le revendiquent certains collectifs d’artistes. Cela mettrait les diffuseurs d’art dans une logique forcée de rentabilité. Lorsque l’art exposé n’est pas vendu, pour qu’il y ait rémunération de l’artiste, il faut qu’il y ait profit. Donc ne seraient plus exposés que les artistes présumés rentables, qui attirent le public, les subventions publiques ou les soutiens privés. Et les arts plastiques se retrouveraient dans une situation similaire aux arts vivants, où ne sont présentés que les productions musicales commerciales ou les spectacles vivants de même facture. La rémunération systématique conduit à l’uniformisation des expressions, l’assèchement de la création. Laissons donc les artistes libres de décider, au cas par cas.
En lire plus in Contrats du monde de l’art – artiste peintre, sculpteur, plasticien de Véronique Chambaud (Ars vivens éditions, 4e éd. 2017 – ISBN 9782916613413) et ArtInsider nov-déc. 2019. Livre disponible en librairie et sur arsvivens.net
Crédit photos : LR project, 2019