Un curateur d’exposition détient des droits d’auteur sur les textes qu’il écrit comme sur l’exposition qu’il conçoit. A ce titre, il est non seulement maître de leur publication, mais il a aussi droit à une rémunération spécifique. En effet, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, droit moral (droit au respect de l’œuvre et droit au nom) et droits patrimoniaux (droit d’être rémunéré pour toute représentation ou reproduction, cf. CPI art. L 111-1). Et ce, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service n’emporte pas dérogation à la jouissance de ces droits. En d’autres termes, cela signifie que si le curateur est lié au centre d’art par un contrat de travail ou un contrat de prestations de service, il demeure le seul titulaire des droits d’auteur.
Sur quoi portent au juste ces droits ? D’une part, sur l’exposition proprement dite. Si l’exposition n’est pas une œuvre de l’esprit que recense le CPI (art. L 112-2), le juge a admis que le curateur pouvait avoir le statut d’auteur, dès lors qu’il « a sélectionné les objets et projections composant une exposition et a aussi imaginé la présentation dans un ordre et selon une scénographie originale » (CA Paris, 2 oct. 1997, Association Henri Langlois c/ Cinémathèque française), faisant ainsi des choix créatifs libres pour présenter, de manière originale, un ensemble d’œuvres auxquelles il donne une cohérence. D’autre part, sur les textes expographiques. Ceux-ci sont clairement des œuvres de l’esprit protégeables, en tant qu’écrits littéraires ou artistiques, recensés par le CPI. Encore est-il requis qu’ils expriment la personnalité de leur auteur pour être protégés et accorder au curateur la qualité d’auteur. C’est le cas pour la majorité des écrits de ce type, vu qu’un texte expographique a vocation à présenter, expliquer, valoriser une exposition, en justifier les choix, en démontrer la pertinence, en manifester l’intérêt ou la qualité. Par celui-ci, le curateur ne se borne pas à une description visuelle ou factuelle sans originalité, il imprime sa patte, il aide à la compréhension, il donne des clés de lecture de l’exposition, il éclaire sur l’interaction entre les œuvres et les lieux, il manifeste un véritable effort créatif. Cela lui confère la qualité d’auteur et donne à ses écrits la nature d’œuvre de l’esprit protégée.
A ces conditions, le curateur a droit à ce que son nom soit cité chaque fois que ses textes sont utilisés (aussi sur les reproductions photographiques de l’exposition), à ce que ses textes ne soient pas modifiés sans son accord, à être rémunéré pour l’écriture et la fourniture des textes, indépendamment de son travail de curation de l’exposition. Il est d’usage qu’il perçoive une rémunération forfaitaire lorsqu’ils sont reproduits dans le catalogue de l’exposition, un livre ou autre. Mais si l’exposition fait l’objet d’autres publications ultérieures, l’utilisation des textes doit également donner lieu à rémunération. En pratique, il serait recommandé que le contrat liant le curateur et le centre d’art ou la galerie d’art qui présente l’exposition en prévoit la possibilité. C’est une précaution rarement prise. Il n’en demeure pas moins l’auteur des textes et il est toujours possible de signer des accords d’édition au cas par cas.
En lire plus, ArtInsider juill-août 19 – Contrats du monde de l’art – artiste peintre, sculpteur, plasticien – par Véronique Chambaud (Ars vivens, isbn 9782916613413), livre disponible en librairie et sur arsvivens.net
Crédit photos : LR project, 2019